dimanche 6 mars 2011

La langue fourchée

Je vais commencer par une petite anecdote qui pourra illustrer au mieux, je l'espère, ce que "se retrouver dans une situation interculturelle à hauts risques" veut dire ; surtout lorsque l'on est atteint d'une dyslexie "nominative" encombrante.
Je tiens à dire avant tout que ce stage à l'étranger a été une véritable bénédiction pour moi comme pour d'autres étudiants.
Nous quittions les bancs de l'IUFM pour enseigner le FLE à des petits allemands, en pleine Forêt Noire, l'attente était donc très grande : un autre pays, une autre langue (que je suis censé connaître un minimum depuis les cours de collège et lycée, aïe), une autre culture (idem), d'autres habitants, d'autres élèves, d'autres enseignants, d'autres conceptions.
Julie et moi avons eu la chance d'être accueillis dans l'école de Forbach, un village situé en flanc de montagne à plus de 35 kilomètres au nord de Freudenstadt.
Dès le premier jour quand le directeur de l'école, Herr Fritz, et notre enseignante formatrice Frau Wurtz nous ont accueilli à la gare de Forbach, nous avons ressenti l'expression d'une réelle bienveillance et dès le premier jour ma langue a joué des tours.
Notre coordinatrice au Seminar, Frau Iris Armbruster, nous avez indiqué, la veille qu'une personne appelée Edith nous attendrait à notre arrivée. J'étais donc un peu nerveux. Edith, Edith! Il ne faudra pas oublier son nom, pour ne pas la manquer, pensais-je
Première prise de contact avec madame Wurtz, première méprise. Au moment où elle s'avance pour me serrer la main, j'anticipe, emporté par l'enthousiasme, et m'adresse à elle en l'appelant Edith. Bien entendu, elle n'était pas Edith.
Tout va bien, tout va bien! Le directeur s'empresse de finir les présentations, et profite de cet instant suspendu pour nous donner des renseignements culturels sur le village dans son plus beau français, tout en nous guidant vers l'école où nous attendaient du café et des bretzels.
Ce sont des choses qui arrivent, jusque là rien de très grave.

Mais voilà, sans le savoir, une malédiction allait s'abattre tous les jours sur Frau Wurtz, une enseignante si attentive à ce que ses élèves s'impliquent quotidiennement à dire le français et si enthousiaste à l'idée de nous avoir dans sa classe et de partager ses méthodes.
Il a fallu plusieurs jours, et le sens aigu de l'observation de Julie pour que je m'en rende compte, mais il s'est avéré qu'à chaque fois que nous rentrions dans la classe de Frau Wurtz et que nous saluions chaleureusement l'enseignante, comme il est de coutume de le faire dans l école , les élèves éclataient de rire.
Au début, je n'y ai pas prêté plus d'attention que cela, mais certains d'entre eux avaient saisi, dans ma façon de prononcer le nom de leur maîtresse, une erreur grossière et l'occasion d'un jeu de mot (dont elle a du être la cible par le passé), qui n'était pas de ma volonté, et qu'ils diffusaient à mon insu.
En fait j'inversais les deux dernières lettres de son nom, ce qui donnait : "Guten Morgen Frau Wurst!" , " Bonjour Madame Saucisse!"
Une semaine après, nous apprenions qu'elle était tombé malade. C'était notre dernière semaine d'école, et nous n'avons jamais pu lui dire au revoir.
J'ai honte de moi.

Teddy



5 commentaires:

  1. Moi je dis, t'as pas à avoir honte :-)

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  2. Cette anecdote est magique, merci Teddy!

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  3. En même temps je ne vous ai pas aidé à rire à chaque fois que vous citiez le nom de votre instit.Et puis avoir Frau Wurst et Herr Fritz dans la même école il fallait le faire !
    Cela ne retire en rien évidemment à la qualité de leur accueil.

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  4. Cher Teddy, merci pour cette anecdote pleine d'humour. Sache que les saucisses ont fait partie de notre quotidien culinaire en Allemagne, il est donc normal qu'elles ressurgissent sur quelqu'un!!!

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  5. Puis Mehmet et Jason (2 élèves de klasse 2) avaient quand même des prédispositions toutes indiquées pour détourner le moindre truc et faire rire toute la compagnie ! Il faut le dire ! Non, Nicolas a raison, pas de honte à avoir !

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