jeudi 10 mars 2011

Si tu veux savoir où va un peuple regarde comment on l'éduque

Un soir, Adélaïde, Julie, Hadrien et moi avons eu une discussion dans un bar-restaurant avec deux apprenti-enseignantes allemandes. L'année précédente, l'une d'entre elles était venu sur Paris observer une classe d'élémentaire à Boileau et y enseigner l'allemand . Honte sur nous, nous nous en sommes remis à la qualité de son français pour aborder plusieurs sujets de fond, les systèmes de recrutements, les horaires, la différenciation et l'indifférenciation des cultures, le rapport de l'écolier à la société et au savoir, et la place de la foi à l'école, et à chaque fois elle nous faisait part de son point de vue sur, selon elle, cette façon si étrange et si française qu'a "le maître" de faire passer l'ordre, la discipline et le savoir consacré avant le lien social avec "l'enfant".

J'ai pensé qu'elle nous provoquait:
"Les enfants étaient assis toute la journée et ils se taisaient, on avait l'impression que la vie commençait et s'arrêtait avec l'école, c'était horrible."

Cette semaine, à l'IUFM, j'ai entendu un discours de formateur sur les apprentissages à l'école qui m'a laissé perplexe.
En résumé, on nous a recommandé de nous méfier des méthodes qui partent du vécu de l'enfant pour introduire une nouvelle notion car elles tendent un piège affectif à l'élève. Le danger est que l'élève ne puisse plus être en mesure de construire le concept (abstraire).
Aussi, si l'on veut qu'il puisse répondre qu'il a appris quelque chose et non qu'il a fait quelque chose, la notion doit être présentée comme un objet scolaire dissociée de toute expérience affective.
Très bien! Mais ma question est la suivante : Puisque apprendre ne va pas de soi, comment un apprentissage peut-il être envisagé sans désir d'apprendre? Par nécessité, par logique pure et impersonnelle?
Je me suis alors souvenu de cette discussion très critique, élaborée à Freudenstadt, à l'égard de la pureté rationnelle française.

Jana est une jeune enseignante, spécialisée en mathématiques, qui est partie à Canturbery pour enrichir son expérience en pédagogie.

Elle utilise maintenant le "magic stick" un outil qu'elle a découvert en Angleterre et qui permet aux élèves de manipuler des notions mathématiques (furet, encadrement de nombres entiers, addition, soustraction etc...)

Deux élèves de la Klasse 2 accompagnées de Filou le chat.

Retour sur la discussion dans le bar.
Anika m'a demandée de manière très directe et très provocatrice ce que je recherchais dans ce métier. De quel côté je me situais ? Du côté de l'enfant ou du savoir?
Apparemment les crises existentielles des futurs enseignants se préparent partout, en France comme en Allemagne.
Je lui ai répondu que je ne dissociais pas les deux, que "créer du lien" entre les élèves et toutes les natures de savoirs était mon moteur.



Répétition générale de l'orchestre de Munich au Kurztheater de Freudenstadt.

Des élèves de plusieurs classes ont été invité par le directeur de l'orchestre à venir expérimenter la répétition sur scène au milieu des instrumentistes.



On ne peut enseigner de façon pertinente sans chercher à connaitre ses élèves.
Il y a un défi à relever, trouver l'équilibre entre la méthode, la distance professionnelle et la réciprocité sociale.
Freud qualifie se métier d'impossible, la route sera longue.








2 commentaires:

  1. C'est un peu difficile parfois de comparer ce que nous avons vu à Freudenstadt et notre expérience à Paris. En effet, nous devons garder à l'esprit que nous étions dans une petite ville allemande, quasiment rurale (pour Forbach notamment). De ce que j'ai vu concernant l'équilibre entre le lien que l'on a avec les enfants et la distance nécessaire pour enseigner, j'ai l'impression qu'ils se posent moins de questions.

    Comme Anaïs a dit dans un autre post, on parle d'enfants et non d'élèves. Pourtant cela n'empêche pas l'apprentissage de règles de vie et de savoirs scolaires. Il y a juste une plus grande prise en compte de chacun, de son passé, de ses difficultés, de ses différences. Les psychologues scolaires sont très présents. Les professeurs essaient de détecter avant l'entrée à l'école obligatoire les éventuelles difficultés (visites de Kindergarten). Des cours d'ALlemand sont spécifiquement mis en place pour les enfants d'origine étrangère (2 à 3 fois par semaine !)

    En résumé, j'ai eu l'impression d'une école assez apaisée dans les rapports maître/élèves. J'ai peu vu les parents d'élèves.

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  2. Je suis tout à fait d'accord avec toi, Adé sur le côté relatif que nous devons apporter : Paris et Freudenstadt => pas vraiment comparable !

    J'ai eu l'occasion de faire des stages en province et quoiqu'on puisse en dire, les publics sont tout de même assez différents, les écoles aussi et les enseignants n'arrivent pas forcément sur leur lieu de travail fatigués par X heures de transport.

    Autant de facteurs qui modifient forcément la donne !

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